25/04/2010
Jacques Prévert - Citroën
« Un poème de Prevert composé lors de la grève des travailleurs de Citröen en 1933. Alors que la société est bénéficiaire et que l’usine mère de Javel était remise à neuf afin d’en faire "la plus belle du monde", l’entreprise annonce une baisse de 18 à 20% des salaires. Les ouvriers de CITROËN se mettent en grève et plus tard s’allient avec leurs camarades de RENAULT. La repression sera violente et donnera lieu à des centaines d’arrestations et de lourdes peines de prisons. CITROËN finira par abandonné son projet de baisse de salaire. Le mouvements forcera l’entreprise RENAULT à abandonner les projets similaires qu’elle prévoyait.
Citroën
À la porte des maisons closes C’est une petite lueur qui luit… Mais sur Paris endormi, une grande lumière s’étale : Une grande lumière grimpe sur la tour, Une lumière toute crue. C’est la lanterne du bordel capitaliste, Avec le nom du tôlier qui brille dans la nuit.
Citroën ! Citroën !
C’est le nom d’un petit homme, Un petit homme avec des chiffres dans la tête, Un petit homme avec un sale regard derrière son lorgnon, Un petit homme qui ne connaît qu’une seule chanson, Toujours la même.
Bénéfices nets… Millions… Millions…
Une chanson avec des chiffres qui tournent en rond, 500 voitures, 600 voitures par jour. Trottinettes, caravanes, expéditions, auto-chenilles, camions…
Bénéfices nets… Millions… Millions…Citron… Citron
Et le voilà qui se promène à Deauville, Le voilà à Cannes qui sort du Casino
Le voilà à Nice qui fait le beau Sur la promenade des Anglais avec un petit veston clair, Beau temps aujourd’hui ! le voilà qui se promène qui prend l’air,
Il prend l’air des ouvriers, il leur prend l’air, le temps, la vie Et quand il y en a un qui crache ses poumons dans l’atelier, Ses poumons abîmés par le sable et les acides, il lui refuse Une bouteille de lait. Qu’est-ce que ça peut bien lui foutre, Une bouteille de lait ? Il n’est pas laitier… Il est Citroën.
Il a son nom sur la tour, il a des colonels sous ses ordres. Des colonels gratte-papier, garde-chiourme, espions. Des journalistes mangent dans sa main. Le préfet de police rampe sous son paillasson.
Citron ?… Citron ?… Millions… Millions…
Et si le chiffre d’affaires vient à baisser, pour que malgré tout Les bénéfices ne diminuent pas, il suffit d’augmenter la cadence et de Baisser les salaires des ouvriers
Baisser les salaires
Mais ceux qu’on a trop longtemps tondus en caniches, Ceux-là gardent encore une mâchoire de loup Pour mordre, pour se défendre, pour attaquer, Pour faire la grève… La grève…
Vive la grève !
Jacques Prévert
Vidéo prise chez Voix de faits, poème trouvé sur le net
08:04 | Lien permanent | Commentaires (0) |
17/01/2010
Bandit ! Voyou ! Voleur ! Chenapan !
Ce poème de Jacques Prévert évoque la mutinerie d'août 1934. Après que les moniteurs aient tabasser un pupille, les jeunes détenus se sont soulevés et enfuient. Une prime de 20 francs a été offerte à quiconque capturerait un fugitif.
Cette mutinerie a déclenché une campagne de presse demandant la fermeture de bagne d'enfants.
Au-dessus de l'île on voit des oiseaux
Tout autour de l'île il y a de l'eau
Bandit ! Voyou ! Voleur ! Chenapan !
Qu'est-ce que c'est que ces hurlements
Bandit ! Voyou ! Voleur ! Chenapan !
C'est la meute des honnêtes gens
Qui fait la chasse à l'enfant
Il avait dit j'en ai assez de la maison de redressement
Et les gardiens à coup de clefs lui avaient brisé les dents
Et puis ils l'avaient laissé étendu sur le ciment
Bandit ! Voyou ! Voleur ! Chenapan !
Maintenant il s'est sauvé
Et comme une bête traquée
Il galope dans la nuit
Et tous galopent après lui
Les gendarmes les touristes les rentiers les artistes
Bandit ! Voyou ! Voleur ! Chenapan !
C'est la meute des honnêtes gens
Qui fait la chasse à l'enfant
Pourchasser l'enfant, pas besoin de permis
Tous le braves gens s'y sont mis
Qu'est-ce qui nage dans la nuit
Quels sont ces éclairs ces bruits
C'est un enfant qui s'enfuit
On tire sur lui à coups de fusil
Bandit ! Voyou ! Voleur ! Chenapan !
Tous ces messieurs sur le rivage
Sont bredouilles et verts de rage
Bandit ! Voyou ! Voleur ! Chenapan !
Rejoindras-tu le continent rejoindras-tu le continent !
Au-dessus de l'île on voit des oiseaux
Tout autour de l'île il y a de l'eau.
Jacques Prévert
(Extrait de Paroles, éditions Gallimard)
les têtes raides c'est quand vous voulez...
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